Jean AUJAME, une poétique panthéiste du mystère...
Jean AUJAME
1905 -1965
" Connaître un homme, c'est vivre sa vie . Est-ce possible? "
AUJAME est né à Aubusson, le 12 mai 1905 , d'une famille qui avait des profondes racines auvergnates et dont le père était magistrat.
Fils unique et attendu, il eut une enfance très "Proustienne" : réception de notables locaux; meubles d'époque Louis XV ou Louis XVI; argenterie massive; séjours, en été, à la mer, avec grandes robes, chapeaux gigantesques, strict costume marin; étude du piano...
Déjà, dès sa première enfance, des dessins, souvent inspirés de la guerre 14-18, recouvrent cahiers et lettres écrites à ses parents lorsqu'ilétait pensionnaire.
Le père, nommé Président du Tribunal de Seine-Maritime à Rouen, dans la tradition familiale, souhaitait l'orienter vers le Droit. Après des études au lycée Michelet, à Paris, où, condisciple de René Huyghe, ils passèrent ensemble le Concours Général, Aujame suivit durant deux ans les cours de faculté. Il renonce à continuer, car son père consent à le voir suivre une carrière artistique. Ecole des Beaux-Arts de Rouen.
Premières oeuvres répertoriées (1922).
Le père, nommé à la Cour de Cassation de Paris, installe son fils, en 1930, dans un atelier loué, avenue Junot, puis deux ans de service militaire en Algérie, dans les zouaves.
Il rencontre sa future femme, un soir de 1930, à Montmartre, "sur une banquette de molesquine" , ainsi qu'il l'écrit dans ses mémoires.
Il ne l'épousera, compte tenu de l'opposition de sa famille, qu'après le décès de ses parents, en 1937, qui l'affecta beaucoup.
" Portrait triste "
1937
Cinq périodes peuvent, superficiellement, caractériser son parcours et mieux faire comprendre sa diversité apparente, orientée, en réalité, vers un au-delà qu'il comprendra et approfondira beaucoup plus tard.
AUJAME commence sérieusement à peindre en 1922 , à 17 ans.
Pétri d'humanisme et de culture, il crée des oeuvres éblouissantes de couleur, de matière, de liberté, qui le placent immédiatement au premier rang.
Des pages entières, dans les plus grandes revues d'Art de l'époque, le valorisent.
Il prolonge et allie les recherches et chemins des "fauves" et des "expressionnistes" en innovant, ne se contentant pas de les suivre mais cherchant à les dépasser.
" Le repos des baigneurs "
1928
Ses toiles: "Anne au divan vert" , "Portrait de Trintzius" , "La fille aux bas noirs" , "Les Mangeurs" , "Les Hommes volants" , "La Dîneuse". . . égalent les plus grands chefs-d'oeuvre de l'époque!
" Les hommes volants "
1931
II
En 1935 , au faîte du succès, ce qui est remarquable à son âge et aurait pu l'entraîner vers une stérile répétition, il rompt totalement avec sa manière de peindre.
Pourquoi ?
Plusieurs raisons possibles:
- se méfier d'une trop grande habileté, qu'il estimait superficielle, en voulant créer des "tableaux de Musées".
" Soir des Asturies "
1936
Nous découvrons alors des oeuvres majeures, souvent appréciées des Musées, prouvant ses grandes qualités techniques: "Terrasse de Ténériffe" , "Concert Champêtre" , "Rondes" . . .
La solitude des camps, la privation de liberté, la disparition brutale de tout ce qu'il aimait!
Il peint. Peu.
Quelques portraits de prisonniers sur des supports de fortune et cette oeuvre émouvante où un homme, presque nu , marche, en Prusse, dans un espace où barbelés et "miradors" ont été oubliés.
" Solitude "
1941
Mais il veut aider les autres. Alors il brosse " la Cène " dans la chapelle du camp à Stablak
1942 . Le calvaire se termine. Rapatrié comme grand malade, il rejoint la France, y retrouve sa femme Yvonne qui l'attendait et s'engage dans la résistance avec d'autres artistes.
IV. LE RETOUR A LA VIE
" Le coup de vin de deux amis "
1952
Les barbelés supprimés, quel bonheur de retrouver la liberté, le soleil, l'eau, le ciel, les arbres, les femmes, la vie !
" La fête à Sauvagnat "
1954
Portraits de sa femme ou de modèles; bords d'Allier somptueux; forêts infinies, mystérieuses, baigneuses réelles déesses de la sensualité; réunions chaudes d'amis autour d'un verre de vin du pays; fêtes villageoises simples mais patronnées par quelque sorcière ou fée, il se laisse emporter par un panthéisme, débordant de joie de vivre.
" Le vin rosé de Sauvagnat "
1954
V. VERS UN AU-DELA
Durant ses séjours en Auvergne où il avait acquis une propriété à Sauvagnat-Sainte-Marthe, AUJAME a été interpellé par les branches d'arbres qui désespérément l'appelaient du fond des âges, les galets de l'Allier sculptés par le roulement .infini des eaux et attendant leur résurrection depuis des siècles...
" Amour des laves errantes "
1955
Les lichens rêvant de redevenir chevelures, les animaux légendaires tapis au plus profond des forêts mystèrieuses, impénétrables et infinies, les contes
populaires narrés le soir, au coin de l'âtre, à l'abri de la nuit hostile, les femmes créées de rêves au milieu des roseaux. . .
" La charmeuse d'oiseaux "
1962
En symbiose avec l'alchimie de la Vie, il comprit qu'il y avait, entre le galet, la plante, l'animal et l'homme, une continuité totale. Que les ruptures n'étaient qu'apparence. Que la Création n'était qu'un Tout.
" Le montreur de pierre "
1960
"Le Montreur de pierre" , "L'Alchimiste" , "Le Prophète" , "Le Rapt" , "L'Ange des ténèbres" , "Amour Ariel" , autant d'oeuvres qui nous transportent au-delà de notre quotidien .
" L'Alchimiste "
1957
Certitude d'avoir tout compris et accompli toute sa destinée?
Une rage de vivre le saisit.
"Combat avec la bête noire" , "La Nuit bleue" , "Les Portes de la nuit" , "Bacchanales" . . .
" L'Ange des ténèbres "
1960
Sa dernière toile, signée, sur son chevalet, était une bacchanale.
" Terrasse aux veilleurs ocres "
1964
QUELQUES REPERES
Le Château d'Eguilly , en Bourgogne, ( sur l'autoroute A6 , sortie Pouilly-en-Auxois ) présente en permanence, telle une fondation, une importante rétrospective de son oeuvre ainsi que des objets lui appartenant : chevalet, palette, mobilier d'époque, objets reproduits dans les tableaux. . .
Une "Association des Amis d'Aujame" existe.
Présidée par Jean FOUACE, Historien d'Art, 2 allée des Pins. 92330. SCEAUX .
De nombreuses oeuvres ont été acquises par l'Etat pour des Musées ou lieux officiels.
Le centenaire de sa naissance sera célébré par des manifestations officielles et privées.